L’exemplaire mobilisation des femmes au Brésil : pour une société écologique, sociale et féministe
Ce 15 et 16 août, comme tous les 4 ans au Brésil, des milliers de femmes « des champs, des forêts et des eaux », comme elles se présentent, vont marcher jusqu’à la capitale. Elles vont remettre au gouvernement leurs revendications pour une agroécologie afin de remplacer l’agrobusiness.
Une mobilisation rassemblant des milliers de femmes
C’est la Marcha das Margaridas (Marche des Marguerites). De tous les coins du pays, ce sont plus de 100 000 qui prendront le bus pour rejoindre le grand parc de Brasília, capitale fédérale du Brésil. Elles seront rejointes par des militant⋅e·s de la Confédération nationale des travailleurs ruraux, agriculteurs et agricultrices familiales (la Contag) et une vingtaine de réseaux d’agroécologie et de mouvements féministes et ruraux.
Après deux jours où elles échangeront, analyseront et construiront les possibles lors de séminaires, ateliers et conférences, elles iront ensemble le 16 août vers la place des Trois-Pouvoirs pour présenter au gouvernement des propositions politiques sociales, écologiques et féministes concrètes, lui demandant de s’engager, avec des financements publics dédiés. Par exemple, elles demandent une reconnaissance de leurs droits à la sécurité alimentaire, hydrique et énergétique, quand tant de terres sont utilisées pour la monoculture exportatrice de soja, café, sucre, viande bovine, maïs…
Face à un lobby de l'agrobusiness superpuissant
Cet événement est la face publique d’un engagement politique fort, car ces femmes s’impliquent au quotidien afin de construire un projet écologique et social, face à la puissance démesurée de l’agrobusiness brésilien. En effet, l’agrobusiness est un secteur économique et politique puissant dans un Brésil devenu le grenier agroalimentaire mondial. Il articule grandes propriétés terriennes, biotechnologies, industries chimiques, capital financier et marché. Il est représenté au Congrès national, l’institution suprême du Brésil, sous le surnom de « boi » (bœuf), ce qui lui permet de modeler les lois en sa faveur.
Face à ce lobby surpuissant, les Margaridas défendent l’idée qu’il n’y a « pas d’agroécologie sans féminisme ». Un symbole de leur combat est les pesticides, en 2020, sous le mandat de Jair Bolsonaro, 493 nouveaux produits agrochimiques, dont plusieurs bannis par l’Union européenne, ont été mis sur le marché, un record mondial. D’où leur slogan : « Le machisme est le pesticide dans la vie des femmes ! » avec lequel elles dénoncent l’imbrication entre destruction du vivant et violences faites aux femmes par ces représentants d’un patriarcat blanc, autoritaire, violent que sont notamment les grands propriétaires terriens, dont l’ex-président Jair Bolsonaro a été l’incarnation.
Une source d'inspiration : faire politique depuis les territoires
Pour la France par exemple, pays sous l’emprise symbolique de l’État et de ses corps intermédiaires (partis, syndicats), ces pratiques politiques populaires sont des sources d’inspiration. Ce n’est pas une utopie, c’est un mouvement de réflexion collective qui débouche sur des changements réels. En 2013, les Margaridas ont ainsi participé à la création du premier Plan national d’agroécologie, sous le mandat de Dilma Rousseff, qui a acté que 50 % des destinataires de l’assistance rurale seraient des femmes, et que 30 % des ressources dédiées à la ruralité seraient utilisées pour des activités indiquées par les paysannes.
En savoir plus:
"Contre l'agrobusiness, la mobilisation exemplaire des femmes brésiliennes" (Héloïse Prévost, Reporterre, 12/08/2023)
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