Vers une extinction de masse des insectes ?

Vendredi, 15 Février 2019

Il y a quelques jours, est paru dans la revue Biological Conservation, un article compilant les résultats de 73 études publiées depuis 40 ans sur la disparition des espèces d'insectes. Le constat est accablant et quasi-unanime : la tendance est à la baisse drastique des populations d’insectes et à l’extinction probable de nombreuses espèces à l’horizon des quelques prochaines décennies. Selon l'analyse des chercheurs, 41% des espèces d’insectes sont actuellement en déclin, soit deux fois plus que les vertébrés, et à un rythme encore plus rapide. Pour les nombreux pays concernés par les études recensées dans cet article (Amérique du Nord, Europe, Brésil, Chine, Japon, Afrique du Sud, Australie, etc.), il est estimé qu’un tiers des espèces est en risque d’extinction, ce qui est colossal. Il y a aussi de nombreux cas d’espèces manifestement déjà éteintes.

Selon l'étude des chercheurs australiens l'Europe aurait perdu 80 % de ses insectes en moins de 30 ans. Depuis trente ans, la biomasse totale des insectes diminue de 2,5 % par an. Leur taux d’extinction est huit fois plus rapide que celui des mammifères, des oiseaux et des reptiles. "À ce rythme-là, d’ici un siècle, il ne restera plus d’insectes sur la planète", alerte Francisco Sanchez-Bayo, l’auteur principal de l’étude. "Ou alors à peine quelques espèces nuisibles qui se seront développées au détriment des autres." 

Les chercheurs ont identifié plusieurs causes principales responsables du déclin des insectes :

  • la conversion des milieux naturels (agriculture et urbanisation, perte de diversité des paysages, des milieux humides), qui conduit à une perte d'habitat pour les insectes.
  • les polluants, principalement ceux utilisés dans le cadre de l'agriculture intensive, sachant que la plupart des pesticides sont des insecticides.
  • les facteurs biologiques (introduction de pathogènes, d’espèces envahissantes).
  • le changement climatique, qui semble pour l'instant principalement toucher les espèces tropicales.

Cette disparition pourrait avoir des conséquences alarmantes pour les écosystèmes et les sociétés humaines. Les insectes rendent en effet des services écologiques essentiels et innombrables. 900 espèces d’abeilles contribuent par exemple à la pollinisation des plantes en France ; les insectes constituent également une source de nourriture majeure pour les oiseaux et participent à la régulation de milliers d’espèces dites nuisibles. La disparition des insectes serait synonyme de la disparition de nombreuses espèces d'oiseaux, qui n'auraient plus de quoi se nourrir. 400 millions d'oiseaux auraient ainsi disparu en 30 ans en Europe. Nos régimes alimentaires pourraient souffrir de la disparition progressive des insectes, car les cultures pollinisées assurent plus du tiers de l’alimentation à l’échelle mondiale.

Que faire pour remédier à cette situation ?

Selon les auteurs de l'article, il faudrait immédiatement restaurer la diversité des milieux et paysages (plantation de haies, de zones fleuries etc.) afin de préserver les habitats et pratiquer massivement une agriculture raisonnée, voire biologique, afin de diminuer drastiquement l'apport d'intrants nocifs pour les insectes (pesticides et fertilisants). Il s'agit donc de repenser notre agriculture. "À moins que nous ne changions nos façons de produire nos aliments, les insectes auront pris le chemin de l’extinction en quelques décennies", alertent les chercheurs.

En juin 2018, la Commission européenne avait proposé une "Initiative européenne sur les pollinisateurs" visant à enrayer le déclin des pollinisateurs sauvages grâce à une série de mesures visant à s'attaquer aux causes du déclin, telles que des plans d'action en faveur des habitats des insectes pollinisateurs les plus menacés et le recensement de mesures de conservation et d'approches de gestion pour aider les États membres. La Commission a également proposé de coordonner l'action menée par l'Union pour diminuer les risques dans les domaines de la santé, de l'agriculture, de la recherche, de la cohésion, de l'action pour le climat et de l'environnement.