Pourquoi le train coûte deux fois plus cher que l’avion ?

Jeudi, 3 Août 2023

Le 20 juillet dernier, Greenpeace a publié une étude comparant les tarifs ferroviaires et aériens pour une centaine de trajets. Le rapport montre qu’il y a une fiscalité inéquitable au profit des compagnies aériennes, beaucoup plus polluantes que les compagnies ferroviaires, ce qui est à contre-courant de la lutte actuelle contre les dérèglements climatiques. 

Ces derniers mois, le trafic aérien européen frôle les records enregistrés avant la pandémie, alors que son impact climatique atteint jusqu’à 100 fois celui du train. Si le transport ferroviaire présente des avantages flagrants en terme de bilan carbone, il ne bénéficie pas des mêmes facilités que l’avion, et par conséquent ses prix découragent grandement les usager·ère·s

L’étude récente de Greenpeace dévoile qu’en Europe, pour un même trajet, les billets de train sont en moyenne deux fois plus chers que ceux de l’avion, un trajet entre Barcelone et Londres coûtant même jusqu’à 30 fois plus cher ! La situation est encore plus inégale en France, où les billets de train sont en moyenne 2,6 fois plus chers que les billets d’avion. Ce qui place la France en troisième position, à égalité avec la Belgique et derrière le Royaume-Uni et l’Espagne, des pays européens les plus inconséquents en termes de tarification, ne contribuant pas à la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

D’où vient cette différence de prix entre l’avion et le train ?

Tout d’abord, les péages pèsent lourd sur le budget du dernier. Les péages français représentent environ 40% du prix d’un billet de TGV. Avec un coût de 9€ au kilomètre pour les trains à grande vitesse, parmi les plus chers d’Europe, ils défavorisent en particulier les trajets longs. Contrairement à l’avion qui peut parcourir des longues distances sans que cela ne pèse sur son business model, selon Victor Thévenet, Rail Coordinator au sein de Transport & Environnement (T&E). Sans compter que les péages devraient augmenter dans les trois prochaines années en réponse « au contexte inflationniste », selon l'Autorité de régulation des transports. 

Cette redevance est versée à SNCF Réseau pour financer l'infrastructure et l'ensemble du service, car la France a fait le choix de faire reposer ce coût sur les compagnies ferroviaires, alors que d'autres pays européens subventionnent les gestionnaires de réseau. « En tant que transport du quotidien, bas carbone et public, le train mériterait d’avoir un avantage sur ces péages », avance Victor Thévenet auprès de Novethic. Il poursuit : « L’État pourrait les alléger pour permettre d’accroître l’offre, de proposer des billets moins chers et in fine de redynamiser des lignes sous-utilisées, comme l’axe Perpignan-Barcelone ».

Qu’en est-il de la fiscalité sur ces deux modes de transport ?

Elle est nettement à l’avantage de l’avion. Lors de l’achat d’un billet de train, les usager·ère·s doivent payer la TVA qui représente 10% du prix. Une taxe qui ne s’applique pas aux vols internationaux. S’ajoute à cela que l’électricité utilisée pour le fonctionnement du matériel roulant est elle aussi taxée à hauteur de 20%, ce qui n’est pas le cas du kérosène employé pour propulser les avions, qui n’est pas taxé

Ces exemptions ont été analysées dans une étude publiée le 12 juillet dernier par Transport & Environnement. Cette fiscalité avantageuse pour l’avion a représenté en 2022 un manque à gagner de 4,7 milliards d’euros pour l’État français, selon l’ONG. Les billets d’avions sont assujettis à des taxes minimales contrairement au transport ferroviaire, ce qui est dû à des choix politiques.  

Afin d’inverser la tendance et de soutenir le transport ferroviaire, T&E propose notamment d’augmenter les taxes sur les billets d’avion les plus onéreux, de première ou classe affaire, allant jusqu’à 864 euros pour les vols en dehors des frontières européennes. En parallèle, l’Union européenne pense à une taxation du kérosène qui permettrait une réduction de 6 à 15% des émissions du secteur aérien. Enfin, dans le cadre de son étude, Greenpeace appelle à la création d’un ticket-climat – un forfait qui permet d’utiliser le train (hors TGV) de manière illimitée et à un prix abordable – ainsi qu’à la relance du train de nuit et au renfort de tarifs réduits sur les trains longue distance pour les personnes à faibles revenus.