accord Mercosur-UE

Accord commercial Union européenne – Mercosur : une ratification sous tension

Vendredi, 16 Juin 2023

En France, l’Assemblée Nationale a adopté à une écrasante majorité une résolution appelant Emmanuel Macron et son gouvernement à rejeter la ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, ce mardi 13 juin. Pour quels motifs ? Il est inacceptable d’autoriser des importations qui ne respectent pas les normes européennes de production environnementales et sanitaires. 

L’Accord de libre-échange prévoit à terme la suppression des droits de douane sur 91 % des biens exportés par l’Union européenne (UE) vers le Mercosur (l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay) et sur 92 % des biens du Mercosur exportés vers l’UE. Il renforcerait la spécialisation des productions déjà en cours : le Mercosur est le premier exportateur vers l’UE de divers produits agricoles (soja, bœuf et volaille), alors que l’UE est l’un des principaux fournisseurs du Mercosur pour les produits manufacturés (machines, voitures et pièces détachées, produits chimiques et pharmaceutiques). 

Cet accord est totalement incompatible avec les objectifs du Pacte vert européen, car il enferme nos économies et le Mercosur dans un modèle extractiviste destructeur de l’environnement et des personnes. Par la spécialisation, il augmente les risques environnementaux et sociaux car il favorise la monoculture et l’intensification, qui entraînent une diminution de la biodiversité, une baisse de fertilité et l’érosion des sols et la pollution des eaux par les pesticides et les nitrates. L’accord fera entrer sur le marché européen des aliments produits avec des pesticides et des substances interdites dans UE, en sachant que 30 % des pesticides autorisés et utilisés au Brésil ne sont pas approuvés au sein de l’UE.

Le vote de l’Assemblée Nationale française advient au lendemain de l’annonce d’Ursula ven der Leyen d’une ratification de l’accord d’ici la fin de l’année, lors de sa visite au Brésil. Les député·e·s demandent à leur gouvernement de protéger le droit de véto de la France, en empêchant toute tentative de la Commission européenne de modifier les règles démocratiques initialement prévues pour la ratification de l’accord. Cette crainte est fondée : pour ratifier plus facilement un traité de libre-échange avec le Chili, la Commission avait découpé l’accord conclu et soumis le chapitre commercial au Conseil de l’UE à la majorité qualifiée, donc sans que les Parlements nationaux aient leur mot à dire. 

En février 2023, le président français a rappelé que la France s’opposerait à l’accord en l’état tant que les engagements climatiques et sanitaires de l’UE ne seront pas respectés. La France, en s’appuyant sur le travail d’une commission mandatée d’expert·e·s indépendant·e·s, la « Commission Ambec », a déterminé trois lignes rouges pour une ratification de l’accord : 

  • que les politiques publiques du Mercosur soient conformes avec leurs engagements au titre de l’Accord de Paris, 
  • qu’un accord d’association avec le Mercosur n’entraine pas une augmentation de la déforestation importée au sein de l’UE, 
  • que les produits agricoles et agroalimentaires importés, bénéficiant d’un accès préférentiel au marché de l’UE, respectent réellement les normes sanitaires et environnementales de celle-ci. 

La ratification de l’accord de libre-échange tel quel décrédibiliserait complètement l’Union européenne dans son action contre le dérèglement climatique. Comment peut-elle porter la stratégie de la ferme à la table, inscrite dans le Pacte Vert, qui souhaite diminuer la consommation de viande rouge au sein de l’UE et recourir le moins possible aux pesticides et aux médicaments vétérinaires pour l’alimentation animale ; et en parallèle soutenir l’accord UE-Mercosur, qui facilitera l’arrivée massive de viande bovine en Europe, nourrie aux pesticides et aux antibiotiques, sans être soumise aux mêmes règles de durabilité que les productions dans l’UE ?