Trois questions à Eric ROSSIAUD, président de la CODHA

Wednesday, 24 September 2014

Eric Rossiaud, président de la Codha – Coopérative de l’Habitat Associatif – nous présente son projet de logement social écologique et participatif. Partie de la construction d’un immeuble de dix appartements, la Codha est aujourd’hui en train de construire une centaine de logements dans un nouveau quartier à Genève et 120 dans un écoquartier dans le canton de Vaud.

Pouvez-vous nous présenter la Codha, son modèle et l’originalité d’un tel projet ?

La Codha, coopérative sans but lucratif créé en 1994, a construit et gère aujourd’hui près de dix immeubles selon deux piliers : la qualité en matière environnementale et la participation des habitants.

Sur l’aspect environnemental en matière de construction, nous nous basons sur les labels suisses Minergie-P et eco. Le standard Minergie-P assure un confort optimal et une utilisation rationnelle des ressources énergétiques par une bonne isolation, en évitant les ponts thermiques tout en assurant la régénération de l’air avec une ventilation à double flux. Le standard Minergie-eco se focalise essentiellement sur un mode de construction sain et écologique avec l’utilisation de matériaux sobres, recyclables et produits à partir de ressources renouvelable. En 2004, nous avons reçu les prix du développement durable de la ville de Genève et de la Suisse pour notre premier immeuble Minergie-eco. Nous venons également de terminer le premier bâtiment conforme au standard Minergie-P-eco du canton de Genève.

Du côté de la participation, nous réunissons les futurs habitants deux à trois ans avant le début des travaux et trouvons un projet qui correspond à nos exigences pratiques, écologiques et financières par un concours d’architecture. Nous invitons alors les futurs locataires à créer une association d’habitants qui deviendra notre partenaire dans la construction mais également dans l’exploitation de l’immeuble. En effet, cette association s’occupera de la gestion du bâtiment, rassemblant les loyers individuels en un seul loyer collectif pour la Codha, choisissant les rôles de conciergerie, s’occupant de l’entretien courant, …

Selon le principe de la coopérative, les personnes amènent en fonds propre 5% du prix de leur appartement, ce qui équivaut à environ  20 000 francs suisses (15 430 euros) pour un logement de 100 m² avec un loyer plafonné selon leurs revenus entre 1 350 et 2 000 francs (1 040 et 1 540 euros). A leur départ, ce fonds propre est restitué aux locataires, indexé sur le coût de la vie. De cet investissement et de la participation à l’élaboration du projet résulte une forte appropriation par les locataires de leur appartement, de leur immeuble et de leur quartier. Contrairement à des promoteurs habituels, nous leur permettons de faire un choix collectif pour les matériaux de revêtement de sol, des murs… et un choixindividuel pour la personnalisation de leur cuisine, laquelle peut varier selon les modèles et adaptations proposés selon le budget alloué. Ainsi chaque appartement est standard tout gardant une touche personnelle. De plus, les locataires connaissent déjà leurs voisins avant même d’emménager, parce qu’ils ont vécu une aventure commune ensemble.

Quel est le rôle des politiques et autorités publiques dans la réussite de vos projets?

Nous bénéficions d’aides grâces à la loi sur l’énergie du canton de Genève, qui nous a permis de couvrir 3% du surcoût de la réalisation par rapport à une construction qui ne suivrait pas les mêmes standards énergétiques. Nous avons également pu obtenir une élévation du plafond des loyers de l’Office cantonale du logement afin de couvrir une partie des coûts. Les loyers sont calculés sans les charges et la plus-value énergétique réalisée par notre modèle de construction compense l’élévation du loyer. Enfin, les taux d’intérêts de notre bailleur de fonds, la Banque Alternative suisse, sont calculés selon des ratings environnementaux. Dès lors, le taux qui nous a été proposé nous a permis d’investir 8% supplémentaires à la construction, tout en restant dans les plafonds de loyers imposés.

Quels conseils donneriez-vous à qui veut se lancer dans un projet similaire ?

Premièrement, on a beaucoup entendu qu’il n’y avait pas de demande pour ce genre de projet. Or, il n’y a de demande que s’il y a une offre ! Aujourd’hui, nous avons 1 100 membres dont seulement 300 sont logés. La demande est donc bien là. Deuxièmement, il faut un engagement fort des pouvoirs publics, qui veulent bien se prêter à cette expérience. Par exemple, sans la remise de terrains à des coopératives par les autorités, nous n’aurions jamais pu émerger. Et troisièmement, il ne faut pas oublier que la construction est caractérisée par une temporalité longue. Tout le monde n’a pas le temps de passer dix ans entre le moment où l’on acquière un terrain et la finalisation de l’immeuble. Afin de parer à l’épuisement des associations, il est important de regrouper les professionnels dans une structure faîtière qui puisse s’occuper de la gestation du projet dans le long terme comme nous l’avons fait à la Codha.

Country: 

Europe outside EU

Thematics: 

Sustainable development
Housing