Des grandes marques se mettent au zéro déchet

Un groupe de 25 multinationales, parmi lesquelles Nestlé, Danone et Carrefour, a présenté le 24 janvier, lors du Forum économique mondial de Davos (Suisse), leur projet pour réduire les déchets :"Loop" (boucle en anglais). L'objectif est de créer un réseau de livraison à domicile et de récupération d'emballages réutilisables et durables qui seront ensuite consignés. Loop sera lancé au printemps 2019 aux États-Unis et à Paris, pour être étendu à d'autres pays courant 2019-2020.

 

Rappelons-le, on estime que 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde, dont 91% ne sont pas recyclés. Près de 10 % du plastique produit finit donc dans des sites d'enfouissement de déchets ou dans la nature, notamment dans les océans. Ces déchets forment aujourd'hui un "7ème continent" au milieu de l'océan Pacifique, de la taille de six fois la France. On estime que d'ici 2050, il y aura plus de plastiques que de poissons dans les océans. Le modèle actuel de production et de consommation de plastique à outrance est donc pointé du doigt, et avec lui les multinationales. Le "Cash investigation" de septembre 2018 sur le sujet avait fait beaucoup parler et réagir. La Commission européenne a mis à jour une proposition de Directive à adoter pour mai 2019 qui aspire à interdire tous les produits en plastique à usage unique.

Face à la montée en puissance du mouvement zéro déchet et des appels à agir face à la pollution aux plastiques, les géants de l'agroalimentaire et de la consommation ont donc décidé de proposer des solutions plus ambitieuses que les simples promesses de recyclage des emballages plastiques : le retour à la consigne, qui avait progressivement disparu depuis les années 60.

"Loop" est donc une plateforme de e-commerce zéro déchet qui permettra aux consommateurs d’acheter des produits de grande marque, livrés dans des emballages conçus spécialement pour être durables, réutilisables et in fine, recyclables. Les emballages sont faits de matériaux durables comme l’acier inoxydable, l’aluminium, le verre et le plastique technique (plus résistant que le plastique traditionnel). Les clients inscrits sur la plateforme en ligne pourront donc remplir leur panier de produits divers (alimentaires, cosmétiques et ménagers). Les prix devraient être comparables à ceux des magasins de proximité, avec une consigne en supplément de 1 à 3 € par produit, qui sera restituée quand le consommateur aura retourné son emballage. Les produits sont ensuite livrés à domicile et une fois terminés, les emballages vides sont collectés au domicile, lavés et remplis de nouveau pour être réintroduits dans le circuit. Les emballages sont conçus pour avoir une durée de vie d’au minimum 100 utilisations. Ensuite, ils seront recyclés.

TerraCycle, l'entreprise de recyclage à l'origine du projet, s’engage par ailleurs à récupérer et recycler aussi les produits pour lesquels il n’existe pas de solution de réutilisation, comme les couches ou les serviettes hygiéniques, qui pourront être renvoyés dans des boîtes spécifiques.

Le projet en est encore à la phase de test et les premiers groupes d'utilisateurs seront donc sélectionnés parmi les inscrits sur la plateforme.

« Loop a été conçu afin d’éliminer le déchet à sa source, et au-delà, vise à améliorer l’expérience des consommateurs. Avec Loop, les consommateurs peuvent désormais acheter des produits de grandes marques livrés dans des emballages conçus spécialement pour être plus durables, réutilisables ou entièrement recyclables », a expliqué Tom Szaky, fondateur et PDG de TerraCycle, à Davos.

Si l'initiative peut être saluée, elle demeure limitée. À la différence des coopératives bio, des marchés ou des magasins de vracs qui fonctionnent depuis longtemps avec un minimum d’emballages, Loop vend des produits de 25 grandes marques que l’on trouve habituellement en grande surface, avec pour seule différence l’emballage 100 % réutilisable. Cela ne remet donc pas en cause la provenance ou la composition des produits, et donc leur durabilité.

L'initiative pose question également du côté de la livraison et de son impact environnemental. En effet, le transport à domicile par camion reste une source de pollution. Afin d'éviter d'avoir un impact négatif sur l'environnement, la livraison devra en principe s'intégrer dans des circuits de livraison déjà existants et s'inclure dans les tournées actuelles des livreurs. D’après un rapport sur l’impact environnemental du recyclage commandé par TerraCycle, cette solution est la plus écologique.